Les orphelins mènent-ils le Monde ? A l’origine du mal des civilisations

 

Selon vous, quel est le point commun entre César, Cléopâtre, Ramsès II, Louis XIV, Napoléon, Washington, Marx, Lénine, Staline, Hitler, Roosevelt et Barack Obama ?

La réponse est simple : outre le fait que ce sont des dirigeants dont le nom est rentré dans l’histoire, ce sont tous des orphelins.

Cependant, ils sont loin de représenter une exception : parmi les 400 leaders les plus importants de l’histoire, presque tous sont dans le même cas. C’est ce qui ressort d’une étude remarquable co-écrite par trois psychanalystes sous le titre : Les orphelins mènent-ils le monde ?

Publié en 1978, cet ouvrage est passé inaperçu par le grand public. Pourtant, il met en lumière un élément essentiel du fonctionnement de notre psychologie car il révèle pourquoi, malgré les tentatives de développer l’intelligence collective, la majorité des organisations tendent invariablement à reproduire une pyramide de pouvoir dominée par un seul leader.

Les effets du manque d’amour

I don’t care if it hurts.
I want to have control
I want a perfect body
I want a perfect soul

Radiohead, Creep

Pour se développer de façon équilibrée, un enfant a besoin de l’amour de ses parents. Idéalement, chaque parent en exprime un aspect à la fois différent et complémentaire. L’amour maternel, qui est essentiel dans la première phase de croissance d’un être, représente la compassion et l’acceptation inconditionnelle : la mère console ses enfants et leur fait sentir qu’ils sont aimés quoiqu’il arrive. Elle offre une matrice d’empathie qui donne une base de sécurité émotionnelle à partir de laquelle un individu pourra se développer. L’amour paternel, lui, représente la justice : le père pose les limites, initie aux droits et aux devoirs, récompense ou sanctionne les comportements de ses enfants et leur permet de construire une conscience saine du bien et du mal et de devenir des individus à part entière.

Lorsque justice et compassion s’unissent, cela donne naissance à l’équité, qui fournit une base solide pour développer une personnalité harmonieuse.

Cependant, il existe toujours un certain nombre d’enfants que l’existence prive de cet équilibre : que l’amour paternel ou maternel se révèle absent ou dysfonctionnel parce que l’enfant a été maltraité ou abandonné, et ce dernier se trouve alors miné par un vide affectif fondamental qui va altérer son rapport aux autres.

L’une des réponses possibles va alors être pour l’enfant de constituer son identité en fonction d’une image idéalisée de ce qui lui manque. Par exemple, s’il n’a jamais expérimenté l’amour paternel, il peut compenser cette absence en mettant toute son énergie à devenir un juge, qui est une figure archétypale de l’autorité du père. Si c’est l’image maternelle qui est cause, la réponse pourra être de devenir infirmer ou infirmière, se rapprochant ainsi d’une image de mère universelle.

Dans tous les cas, il s’agit pour l’être qui a été blessé de répondre à un vide intérieur insupportable en recréant dans le monde un ordre qui soit conforme à une conception idéale de ce qui lui a manqué.

En soi, ce mécanisme de compensation n’est pas forcément négatif. Dans la mesure où elle peut forger chez l’individu une volonté hors du commun et révéler des ressources insoupçonnées, la souffrance intérieure s’avère souvent être un ingrédient indispensable pour se dépasser.

Car il n’y a, au bout du compte, que deux réponses possibles à la souffrance : l’amour et l’indifférence. Lorsqu’un être vit une privation affective et qu’il parvient malgré tout à retrouver la connexion avec ses émotions, il transfigure le manque d’amour pour en faire une force créatrice. Et c’est précisément parce qu’il a été éprouvé par l’ombre qu’il rayonne puissamment dans la lumière.

C’est ce qui explique que dans le champ de la littérature, on trouve un nombre impressionnant d’orphelins: Molière, Racine, Balzac, Nerval, Hugo, Renan, Rimbaud, Proust, Joyce, Poe, Tolstoï, Keats, Rousseau, Wordsworth, Max Weber, Baudelaire, Stendhal, Camus et Sartre, pour ne citer qu’eux, ont tous été privé d’au moins d’un de leurs deux parents avant 12 ans. De la même façon, Ghandi ou Mère Teresa donnent l’exemple d’orphelins qui ont transcendé leur souffrance en amour et sont devenus une inspiration pour toute l’humanité.

Le véritable problème commence donc en réalité lorsque la souffrance intérieure ne parvient pas à se transformer en une énergie positive et qu’elle nourrit la souffrance du Monde.

La naissance des Stratèges

Les stratèges sont la plaie de ce monde et sa mauvaise haleine. Ils ont besoin, pour prévoir, agir et corriger, d’un arsenal qui, aligné, fasse plusieurs fois le tour de la terre. Le procès du passé et les pleins pouvoirs pour l’avenir sont leur unique préoccupation. Ce sont les médecins de l’agonie, les charançons de la naissance et de la mort. Ils désignent du nom de science de l’Histoire la conscience faussée qui leur fait décimer une forêt heureuse pour installer un bagne subtil, projeter les ténèbres de leur chaos comme lumière de la Connaissance.

René Char, Recherche de la base et du sommet.

Le vingtième siècle, en particulier, regorge d’exemples de ce genre : la lutte pour le pouvoir entre Lénine, Staline et Trotski a été celle entre trois orphelins de père, et c’est Staline — qui était le plus traumatisé des trois — qui l’a emporté ! Par la suite, lorsque Staline s’est retrouvé à la conférence de Yalta pour décider du partage du monde, il a eu en face de lui un autre orphelin de père (Roosevelt) et un enfant abandonné (Churchill).

Mais l’exemple le plus typique de ce phénomène est donné par Hitler : orphelin de père à l’âge de quatorze ans et de mère à dix-huit ans, il essaie d’abord de trouver un sens à son existence en devenant un artiste.

Cependant, il échoue à intégrer les Beaux-Arts, et faute de pouvoir organiser sa résilience par la création, il se tourne alors vers la politique.

En d’autres termes, il choisit le contrôle au détriment de l’amour. Et plus il réprime ses propres émotions, et plus il devient symétriquement incapable d’avoir affaire aux autres sur la base de la sincérité. Il en vient alors à devenir un Stratège, qui cherche à contrôler le regard d’autrui afin d’extorquer quelque chose qu’il ne pense pas réussir à obtenir autrement que par la force ou la ruse.

Cette transformation va alors les pousser dans une fuite en avant dans la recherche de pouvoir. Les Stratèges sont parfaitement équipés pour cela, car ils fonctionnent à un niveau surhumain dès qu’il s’agit de lire les autres à livre ouvert et de manipuler les masses.

Cependant, comme ils sont coupés de leurs propres émotions, ils doivent en permanence repousser les limites de leurs expériences pour essayer d’atteindre le fantôme d’un sentiment authentiquement humain. Étant prisonniers d’un état qui les empêche de reconnaître la moindre nouveauté à leur expérience, plus rien ne peut les surprendre.

Faute de réussir à être sincères avec eux-mêmes, ils doivent alors sans cesse tramer de nouvelles intrigues, inventer de nouveaux scénarios, tout cela dans l’unique but de provoquer les sensations fortes qui mettront fin à leur désarroi, en leur rappelant ce qu’était leur existence avant qu’ils ne subissent la mutation qui les a coupé de leurs propres émotions.

Mais, à chaque fois, les quelques miettes d’affect qu’ils arrivent à susciter se volatilisent aussitôt apparus, et l’ennui revient, les condamnant ainsi à aller chercher des stimulations toujours plus fortes.

Cela peut finir par les entraîner dans des états déséquilibrés et grotesques. Dans le cas d’Hitler, cela se traduit notamment par la relation pathologique avec les femmes. Les témoignages de l’actrice Renate Müller et d’Eva Braun indiquent ainsi l’incapacité d’exprimer le moindre amour ainsi que des penchants fortement coprophiles et masochistes. C’est aussi ce qui explique l’activité sexuelle effrénée que l’on constate habituellement dans les cercles de pouvoir : l’amour ne pouvant plus fournir un aliment à l’âme, le plaisir sert de stimulant au corps.

Mais c’est surtout dans sa relation au groupe que le Stratège va concentrer tout son besoin de compensation. Ne pouvant plus trouver un équilibre dans la relation humaine normale, il ne peut plus exister qu’au sein d’un système de pouvoir. Ce qui se passe alors est un phénomène d’aliénation réciproque entre le Stratège et le collectif.

La peur de la liberté

Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, tel que celui du père envers ses enfants, c’est-à-dire un gouvernement paternel, où par conséquent les sujets, tels des enfants mineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou nuisible, sont obligés de se comporter de manière uniquement passive (…) est le plus grand despotisme que l’on puisse concevoir.

Emmanuel Kant

Pour comprendre la nature de ce processus qui lie le dirigeant au groupe, il faut d’abord comprendre que, contrairement à une conception répandue, l’être humain ne cherche pas spontanément à être libre.

La liberté est le droit humain le plus fondamental : rien ne devrait donc être plus important pour un individu que de vivre une existence guidée par sa volonté propre. Pourtant, il est remarquable de constater que, dans les faits, tout se passe comme si nous étions inconsciemment dirigés par le désir inverse.

Quelques symptômes frappants :

  • Sur le plan politique, la démocratie donne à chacun la possibilité de participer à la construction d’un avenir commun. A la place de cela, nous passons notre temps à nous plaindre de nos hommes politiques et à critiquer le système sans faire l’effort de le changer.
  • Sur le plan économique, il est aujourd’hui possible à chacun d’être plus autonome en devenant un entrepreneur. A la place de cela, la plupart des gens préfèrent rejoindre des organisations fonctionnant sur le modèle de la pyramide de pouvoir.
  • Sur le plan social, la société moderne nous offre tous les moyens de nous épanouir en tant qu’individus. A la place de cela, la plupart de gens vivent une existence incomplète et insatisfaisante, suivant les mêmes courants de mode et de pensée que la masse.
  • Les nouvelles technologies amplifient encore ce paradoxe : elles se sont à ce point développées qu’elles pourraient nous permettre de tout réinventer : l’économie, la culture, la politique. Mais justement, nous ne profitons pas de la possibilité de libération qu’elles nous offrent.

On est donc en droit de se poser la question suivante : et si, derrière nos revendications, se cachait en réalité un schéma inconscient de fuite de notre propre liberté ?

Au départ, tous les êtres humains font l’expérience d’une unité primordiale dans le ventre maternel. Un monde sans vide et sans coupure, rythmé par les battements de cœur d’un être dont on fait partie.

La naissance, par comparaison, est un traumatisme, qui nous met en face d’un univers étranger, inconnu et hostile, dont le premier effet sur nous est de nous arracher des cris et des larmes. Et ce n’est qu’après bien des années que notre conscience individuelle va pouvoir se former. Avec le temps, nous apprenons à nous différencier de nos parents et à nous construire une personnalité qui nous est propre.

Cependant, passer par toutes les étapes qui vont nous permettre de nous réaliser comme individus n’a rien de simple : cela suppose notamment de sacrifier notre sécurité et de nous confronter en permanence avec la souffrance.

Or, sortir des sentiers battus pour expérimenter l’inconnu présente donc toujours un risque. En entreprenant des choses nouvelles, je risque l’échec ; en décidant par moi-même, je risque de me tromper.

Et pour peu que je cède à la facilité, rien n’est plus facile que de me perdre dans le collectif pour y retrouver un écho de l’état originel de fusion avec la mère : si je renonce à chercher les réponses en moi-même, je peux toujours revenir à un stade où je n’avais pas à assumer le fardeau encombrant de ma propre liberté.

Me fondre dans le groupe me donne un sentiment de sécurité et de permanence ; il exorcise l’inquiétude du changement et la peur de me trouver seul ; il me maintient dans une illusion de continuité qui me dispense de devoir affronter ma propre finitude.

Ce qui est au centre de tous ces mouvements pulsionnels, c’est notre rapport à la mort. En effet, pour s’accomplir dans l’existence, il est nécessaire de s’être confronté de façon honnête à la possibilité de sa propre fin. Mais si un individu refuse de se confronter à ses propres ombres, le groupe peut apaiser ces incertitudes fondamentales et lui servir de refuge. Et ce faisant, il renforce notre ombre collective, qui est le produit de chaque renoncement individuel.

L’organisation compensatoire

Que ce soit dans l’amour, la thérapie, l’engagement politique, sourd insidieusement la nostalgie du couple originel, état de fusion narcissique avec la mère. Selon Winnicot, l’être humain est un « fou » guéri, dont les cicatrices ne demandent qu’à s’ouvrir.

Bernard Muldworf

Le phénomène des Stratèges et celui de la fuite de la liberté par le collectif s’emboitent comme des pièces de puzzle pour donner naissance à ce que j’appelle l’organisation compensatoire.

Dans beaucoup de cas, les mouvements collectifs répondent en réalité à un besoin toujours inassouvi de sécurité. Qu’il s’agisse de l’engagement politique, de la religion ou de l’entreprise, ce qui nous domine de façon inconsciente dans nos logiques de regroupement est une recherche de fusion avec l’autre qui puisse nos consoler et dissiper nos peurs.

Cela ne signifie évidemment pas que toute forme de collectivité est infantilisante : la politique peut être le vecteur d’un engagement responsable, la religion peut être le vecteur d’un accomplissement spirituel, l’entreprise peut être un lieu d’autonomie et d’épanouissement. Mais c’est un accomplissement qui doit être arraché à la tentation permanente de s’aliéner à l’autre. Et comme cette tentation est facile !

Quand les manques affectifs sont profonds chez les dirigeants et que le besoin de sécurité est fort dans le groupe, cela peut donner naissance à un cercle vicieux où le caractère compensatoire de l’organisation va se traduire par un besoin pathologique d’expansion et de domination.

Ce processus découle d’un quiproquo fondamental : en effet, ce que cherchent fondamentalement les dirigeants, c’est un amour donné librement par d’autres êtres humains. Mais la liberté va de pair avec le risque d’être trahi. Par conséquent, une stratégie possible pour sécuriser la reconnaissance des autres est le contrôle. Le raisonnement peut se résumer ainsi : « si je contrôle les autres, je peux les forcer à m’aimer sans courir le danger qu’ils se retournent contre moi ! »

Mais comme cet amour sera extorqué, il n’a en réalité aucune valeur, ce qui va forcer le dirigeant à aller toujours plus loin dans son système de contrôle : la soif d’amour va devenir une soif inextinguible de pouvoir. L’organisation, pour jouer son rôle compensatoire, va devoir devenir toujours plus grande et plus puissante, selon une dynamique d’expansion infinie qui peut aussi bien prendre la forme de la dictature militaire que celle de la bureaucratie cancéreuse.

C’est pourquoi les milieux de pouvoir sont typiquement ceux où ce qui prédomine est un simulacre de relations humaines : attirant les êtres guidés par le besoin de contrôle et de sécurité, ils tendent à se refermer en une série de cercles relationnels de plus en plus exclusifs, cruels et manipulateurs, idéalement couronnés par un seul Moi, vers qui tous les regards convergent. Ce type d’organisation repose sur la peur, la stérilisation émotionnelle et sur l’obéissance inconditionnelle à l’autorité. Une illustration douce-amère donnée par le film le Jouet :

En d’autres termes, l’absence d’amour entre les êtres humains est la première cause de tout pouvoir centralisé. Et dans les cas les plus extrêmes, comme ceux du nazisme ou du stalinisme, cela alimente une mécanique impitoyable qui finit par aboutir au jeu de massacre dont l’histoire est l’illustration à grande échelle.

Il est remarquable de voir que la démocratie représentative — souvent conçue comme un rempart contre le fascisme et la dictature — est en réalité un système qui favorise fortement l’organisation compensatoire. En effet, là où la monarchie, par exemple, augmente les chances statistiques de produire des dirigeants qui échappent au syndrome des Stratèges, la démocratie propulse littéralement ces derniers sur des rails pour qu’ils arrivent au pouvoir.

En raison de leur équilibre même, il manque aux candidats politiques « normaux » la volonté monomaniaques qu’ont les Stratèges : n’étant pas motivés par un vide interne, ils ne ressentent pas le besoin d’atteindre une position qui leur permette de dominer tous leurs semblables. C’est ce qui explique que dans les démocraties représentatives, on trouve beaucoup d’individus humains et matures à des niveaux d’autorité intermédiaires (maires députés, etc.). C’est le phénomène de reproduction sociale qui fait que, par exemple, 90% des recteurs d’université auront des parents ayant exercé la même profession. Cependant, cette logique de reproduction sociale ne fonctionne plus du tout quand il s’agit du sommet du pouvoir, qui est quasi exclusivement occupé par Stratèges.

Il faut remarquer ici que bien que le cas de figure des orphelins soit le plus frappant, il peut exister des variantes : Vladimir Poutine, par exemple, a eu deux frères morts avant sa naissance. Il a hérité de toutes les attentes du clan familial et peut donc être considéré comme un « orphelin de frères ». Nicolas Sarkozy, pour sa part, a eu un père qui s’est remarié trois fois, et il répétera le même schéma  d’instabilité affective.

Comment sortir du cercle vicieux ?

Au-dessus de la foule innombrable d’hommes semblables et égaux, s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance.

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique

Généralement, c’est ce qui est le plus évident que nous finissons par ne plus voir. Le syndrome des orphelins est un impensé de notre civilisation : un formidable point aveugle dont nous resterons victimes tant que nous ne l’aurons pas rendu pleinement conscient.

L’hypothèse fondamentale que je pose à travers cet article est que le phénomène de l’organisation compensatoire est non seulement à l’origine des systèmes de pouvoir centralisés tels que les Etats et la plupart des entreprises, mais qu’elle est aussi à l’origine de l’histoire elle-même.

Le squelette de Lucy, daté à 3,2 millions d’années, est le plus ancien découvert. Or, on ne trouve quasiment pas de trace de violence sur les squelettes humains jusqu’à l’époque du néolithique, qui commence il y a seulement dix mille années. Ce n’est qu’avec la sédentarisation et l’apparition des villes que la violence systématique s’introduit au sein de l’humanité.

Cela indique que les êtres humains, tant qu’ils gardent contact avec la nature, tendent à vivre en harmonie avec elle et ne cherchent pas spontanément à s’étendre de façon exponentielle, à dominer les autres ou à détruire leur environnement. Au contraire, ils prennent soin de leurs semblables et coopèrent pour assurer leur bien-être mutuel.

Il est donc fort probable que, dans les premiers groupes humains, les comportements perturbateurs tels le manque d’empathie ou le besoin de domination des autres aient été repérés, à juste titre, comme contraires à l’intérêt du groupe.

Il est tout aussi probable que ce n’est qu’avec l’apparition de communautés humaines plus larges que les individus en quête de pouvoir ont pu trouver un terrain favorable pour jouer sur la dissymétrie d’information et sur les peurs collectives et donner naissance aux premières organisations compensatoires. Et que c’est ce phénomène qui a entraîné la centralisation du pouvoir, une expansion rapide de la civilisation mais aussi les premières formes de violence de masse.

Cela signifie que jusqu’ici, l’histoire humaine a été écrite non par les peuples, mais par un petit groupe d’individus qui n’ont pu trouver de satisfaction qu’en projetant leurs manques à l’échelle de toute la société. Cela signifie aussi que les guerres, les crises et les événements politiques qui déterminent le destin des nations sont en grande partie le produit de la souffrance non résolue d’une toute petite minorité d’individus.

Or, les guerres provoquent l’apparition de nouveaux êtres traumatisés qui cherchent à leur tour à compenser leur souffrance en devenant des dirigeants. C’est un cercle vicieux, dont l’humanité n’a jusqu’ici jamais réussi à sortir.

Evidemment, tout ceci ne peut exister que si le groupe accepte d’entrer dans cette relation de dépendance : le chef va chercher dans le pouvoir un substitut à l’amour qui lui a toujours manqué, et la foule va chercher dans la domination par le chef une promesse de sécurité qui va être un substitut à la liberté véritable.

De ce point de vue, la fascination que nous ressentons pour le leader ne vient pas tant de lui-même que du fait qu’il nous renvoie l’écho de tout le groupe. Le leader politique, le chef d’entreprise, le gourou, tout détenteur d’autorité cumule dans son regard celui du reste de la société. Point focal de la construction imaginaire que représente la collectivité, il est celui sur qui repose tout l’édifice. L’autorité incarne le besoin inconscient de murs qui protègent de toute atteinte du monde extérieur. Elle concrétise la sécurité.

Entre d’autres termes, il n’y a pas de maître sans foule pour lui donner réalité. Et fondamentalement, il s’agit d’une relation aliénante : la masse se trouve en permanence infantilisée par sa dépendance à l’autorité, et le chef se fond à une figure collective dans laquelle il va sans fin chercher à compenser ses blessures affectives.

C’est pourquoi, lorsqu’un chef d’Etat meurt, on dit généralement que la nation est « orpheline ». Dans le cas du général de Gaulle, Pompidou a même dit qu’elle était « veuve ». Cela dit à quel point le rapport que le chef a avec la société tient de la relation sublimée.

Peu importe ici que le chef en question soit du côté de la dictature ou de la démocratie : dans tous les cas, il va jouer le rôle de l’acteur qui va accaparer le centre de la scène et installer le reste des membres du groupe dans le rôle passif de spectateurs. En d’autres termes, l’invalidité émotionnelle des dirigeants reste à ce jour le principal facteur qui empêche le développement à large échelle de l’intelligence collective.

Car cette relation est par essence instable. Elle ne repose pas sur la confiance, mais sur une dépendance et une peur réciproque. Il suffit alors que cette peur s’intensifie à l’occasion d’une crise quelconque (peu importe que cela soit une peur de la foule vis-à-vis du leader ou une peur du leader vis-à-vis de la foule) et les choses peuvent très vite tourner au cauchemar. La montée des fascismes en Europe, qui a abouti au nazisme et à la collaboration, en un exemple, et les crises actuelles en Syrie ou en Lybie en sont un autre. Au final, le scénario n’a cessé de se répéter des empereurs romains à notre époque, enclenchant cycliquement un jeu de massacre à l’échelle collective.

Ce problème est tellement profond qu’il a déterminé toute l’histoire de l’humanité jusqu’ici. Et nous ne sortirons du cycle des crises et des guerres que lorsque nous aurons enfin réussi à nous affranchir du besoin de sécurité que nous projetons collectivement sur nos dirigeants.

La voie est indiquée par les organisations fonctionnant en intelligence collective (dans toutes leurs variantes apprenantes, agiles, libérantes…). Elle est aussi donnée par le fonctionnement des cultures premières qui reposent sur les groupes de petites taille et les rites initiatiques permettant l’émancipation et la connaissance de soi.

J’explorerais plus en détail ces clés permettant l’émancipation collective dans un prochain article sur la transformation intérieure des dirigeants et la naissance de ce que je nomme les organisations aimantes.

 

Orphelin(e)s de père avant l’âge de 8 ans

  • Confucius
  • Richelieu
  • Charles XII
  • Guillaume III d’Orange
  • Auguste
  • Caligula
  • Claude
  • Néron
  • Vespasien
  • Louis XIV
  • François 1er
  • Ivan le Terrible
  • Danton
  • Pierre le Grand
  • Brutus
  • César Borgia
  • Rodrigo Borgia
  • Clothaire II
  • Charles III
  • De Valera
  • J.G. Sforza
  • Sigebert II
  • Dagobert II
  • Pyrrhus
  • Henri VII
  • Henri III
  • Hoover
  • Louis XV
  • Philippe 1er
  • Marc-Aurèle
  • Charles Quint
  • Evita Perón
  • Reine Victoria
  • Pancho Villa
  • Richard III
  • La Fayette
  • Lloyd Georges
  • Othon
  • Philippe 1er
  • Jacques 1er
  • Marie Stuart
  • Alphonse XIII
  • Henri IV
  • Catherine de Médicis
  • Jacques 1er
  • Jacques II
  • Jacques V
  • Jean 1er d’Aragon

 

  • Mahomet
  • Christine de Suède
  • Marc Aurèle
  • Charles Quint
  • Richard de Cornouailles
  • Louis IV de Bavière
  • Louis l’Enfant
  • Louis XII
  • Valentinien II
  • Alphonse V
  • Aberdeen
  • Juarez
  • Bolivar
  • Démosthène
  • Jean II d’Ecosse
  • Jean III
  • Jean V
  • Houphouët-Boigny
  • Isabelle Perón
  • Bokassa
  • Kenyatta

 

Orphelin(e)s de père avant l’âge de 15 ans

  • Louis IX
  • Motta
  • Atatürk
  • Lénine
  • Staline
  • Hitler
  • Charles XII
  • Charles VIII
  • Philippe-Auguste
  • Tibère
  • Gandhi
  • Washington
  • Ignace de Loyola
  • Henri IV
  • Reine Eléonore
  • Gengis Khan
  • Louis XIII
  • MutsuHito
  • Hadrien
  • Louis XVI
  • Louis XVIII

 

  • George III
  • Philippe 1er
  • Philippe II
  • Jefferson
  • Henri III
  • Khrouchtchev
  • Saint-Just
  • Tchang Kai-shek
  • Attila
  • Pierre II de Russie
  • Hailé Sélassié Ier
  • Constantin II
  • Clothaire I
  • Philippe II de Macédoine
  • Charles IX
  • Louis 1er de Hongrie
  • Philippe II
  • Edouard VI
  • Sigismond 1er
  • Richard II
  • Victor-Amédée 1er

 

 

  • J.M Visconti
  • P.M Visconti
  • Jacques III
  • Edouard II
  • Edouard III
  • Charles VI
  • Mathias 1er
  • Elisabeth 1ère
  • Cimon d’Athènes
  • Vladislas 1er
  • Vladislas III
  • Osman II
  • Hammurabi
  • Akhenaton
  • Cambyse II
  • Séthathirath 1er
  • Wellington
  • Robespierre
  • Callaghan
  • Mobutu

 

 

Orphelin(e)s de père avant l’âge de 20 ans

  • Roosevelt
  • Charles V
  • Louis II de Bavière
  • Jules César
  • W. Pitt
  • Louis VII
  • Cléopâtre
  • Napoléon 1er
  • Cromwell
  • Henri VIII
  • Louis III
  • Louis VII le Jeune
  • Philippe IV d’Espagne
  • Pierre le Cruel

 

  • Hérode
  • Hannibal
  • Philippe V
  • Philippe II d’Espagne
  • Périclès
  • Metellus
  • Nasseredin Shah
  • Karl Marx
  • Catherine II de Russie
  • Scipion Emilien
  • Laurent de Médicis
  • Gustave-Adolphe
  • Clovis
  • Pompée

 

  • Charles IV le Bel
  • Charles II d’Angleterre
  • Philippe IV de France
  • Charles le Chauve
  • Théodoric
  • Edouard IV
  • Jean III
  • Elisabeth de Russie
  • Henri 1er d’Angleterre
  • Henri II d’Angleterre
  • Louis-Philippe
  • Olaf 1er
  • Cyrus le Jeune
  • Ramsès II

 

 

Orphelin(e)s de mère

  • Aberdeen
  • Bouddha
  • Lincoln
  • Chamberlain
  • Bolivar
  • Hamilton
  • Caton le Jeune

 

  • Juarez
  • Hitler
  • Coolidge
  • Maximilien 1er
  • Ben Gourion
  • Nasser
  • Frédéric II

 

  • Pétain
  • Robespierre
  • Ho Chi Minh
  • La Fayette
  • R.C Salisbury
  • Bourguiba
  • Chou En-lai

 

 

Rejet du père

  • Martin Luther
  • Barack Obama
  • Calvin
  • Alexandre le Grand
  • Harding
  • Quisling
  • Gomulka
  • Trostsky
  • Kadhafi

 

  • Salazar
  • Mao Tsé-toung
  • Mussolini
  • Franco
  • Nasser
  • John F. Kennedy
  • Nixon
  • Richard Coeur de Lion
  • Tito

 

  • Golda Meir
  • Cortès
  • Mazarin
  • Sun Yat-sen
  • Frédéric II de Prusse
  • Tamerlan
  • Louis XI
  • Clémenceau
  • Gambetta

 

 

Enfants abandonnés

  • Moïse
  • Churchill
  • Mirabeau
  • Constantin le Grand

 

  • Cavour
  • Maximilien 1er
  • Bismarck
  • Che Guevara

 

  • Henri II le Saint
  • Constantin le Grand
  • A.B. Law

 

 

Enfants illégitimes

  • Sukarno
  • Napoléon III
  • Guillaume le Conquérant
  • W. Brandt
  • Thiers
  • Pizarro
  • Charles Martel

 

  • Thésée
  • Marie Tudor
  • César Borgia
  • Lucrèce Borgia
  • Jean Borgia
  • Amin Dada
  • D’Alembert

 

  • Sigebert II
  • Prince Orlov
  • Mansfled
  • F. Douglas
  • Baez
  • T.E Lawrence
  • Charlemagne